Mon Père, 
Qu'il est beau dans l'argile, ton vieux berger courbé . 
Dans le vent, chapeau bas, ses yeux  se sont troublés . 
Il marche silencieux, il recherche son  Dieu . 
Il a pris son baton, va, d'un pas religieux,  
Car il serre dans ses bras, ému, l'agneau têtu, 
Qui cette nuit dans l'Eglise, se fond avec Jésus .  
Sa cape tourne, vole, la neige tourbillonne . 
Malgré le poids des ans,  il avance, il fredonne .  
Lentement, son troupeau, comme un  long écheveau, 
Le suit dans une ondée, au bruit de lourds grelots .  
Seul dans l'obscurité, le berger prie . Il chante .  
" va voir le fils de Dieu…" de sa voix tremblotante, 
murmure un ange saint qui traverse la nuit .  
" Il t'attend . Va, berger …" chuchote t-il sans bruit . 
Je le vois ton brave homme marcher vers Betlehem . 
Il frappe à toutes les portes . " Debout, Jérusalèm ! " 
Dans les ruelles étroites, drapées d'un ciel sans voile, 
Les volets s'entrecroisent . Aux cieux brille l'étoile .  
Un à un, aux fenêtres, paraissent des visages,  
Qui lui crient : " tais-toi, grand fada, avec tes vieux présages …" 
Mais lui, il leur sourit . " Venez, n'ayez plus peur… 
Gloria, Gloria…" tressaille alors son cœur .  
Dans son sillage, ses moutons, courrent dans la pénombre, 
Piétinnent les chemins,  s'éparpillent dans l' ombre .  
Mais le vieux berger, lui, reste toujours devant . 
Les femmes, les enfants, et les hommes suivant, 
En grand pélérinage, entonnent des louanges . 
Ils voient l'étable sainte, où méditent les anges .  
Et de la voie lactée, en flocon qui s'éveillent, 
Ils lèvent les bras au ciel, ils tendent leurs corbeilles, 
Pour recevoir de Dieu, une bénédiction, 
Une manne dorée, un pain de communion .  
Un par un, alors, la face contre terre, 
 Ils se prosternent . En silence, ils adorent le Père, 
Devant l'Enfant Jésus, ils tombent à genoux . 
Dans la paille, le bœuf couché, l'âne debout, 
Rechauffent de la crèche l'enfant qui est gelé . 
La vierge sainte, mère, l'âme bouleversée, 
Regarde le rédempteur qu'elle a enmaillotté .  
Joseph, abattu, las, fatigué, 
Contemple de Marie, le regard intrigué . 
Enfin le saint berger, pose le cachofiau . 
Dans le berceau, pose l'agneau, ote son grand chapeau . 
Sans plus dire aucun mot, dans l'élan de sa foi, 
Il explose de larmes, au comble de la joie . 
Qu'il est beau ton berger, laisons lui ses montagnes, 
Sous le regard de Dieu, les anges l'accompagnent . 
Ses yeux sont bleus d'azur, profonds comme la mer . 
Ils scintillent, ils brillent, ils dansent dans les airs . 
Mon Père, que je l'aime ton santon dans le vent, 
Courbé, dans son manteau, tissé d'or et d'argent . 
Je vois qu'il est oiseau , il vole comme un ange, 
Au royaume d'en haut, il clame ses louanges .  
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